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Emmanuel Srivastava
2024-12-04 12:02:19 +01:00
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<h2 id=deuxieme_partie><strong>Deuxième partie</strong></h2> <h2 id=deuxieme_partie><strong>Deuxième partie</strong></h2>
<p>J'ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, <p>J'ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course,
c'est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l'odeur c'est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l'odeur
d'essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi. d'essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi.
J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Et [11] quand je me J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Et [11] quand je me
suis réveillé, j'étais tassé contre un militaire qui m'a souri et qui m'a suis réveillé, j'étais tassé contre un militaire qui m'a souri et qui m'a
demandé si je venais de loin. J'ai dit « oui » pour n'avoir plus à parler.</p> demandé si je venais de loin. J'ai dit « oui » pour n'avoir plus à parler.</p>
<p>L'asile est à deux kilomètres du village. J'ai fait le chemin à pied. <p>L'asile est à deux kilomètres du village. J'ai fait le chemin à pied.
J'ai voulu voir maman tout de suite. Mais le concierge m'a dit qu'il fallait que je rencontre le directeur. J'ai voulu voir maman tout de suite. Mais le concierge m'a dit qu'il fallait que je rencontre le directeur.
Comme il était occupé, j'ai attendu un peu. Comme il était occupé, j'ai attendu un peu.
Pendant tout ce temps, le concierge a parlé et ensuite, j'ai vu Pendant tout ce temps, le concierge a parlé et ensuite, j'ai vu
le directeur : il m'a reçu dans son bureau. C'était un petit vieux, avec le directeur : il m'a reçu dans son bureau. C'était un petit vieux, avec
la Légion d'honneur</p> la Légion d'honneur</p>
<p> Il m'a regardé de ses yeux clairs. Puis il m'a serré <p> Il m'a regardé de ses yeux clairs. Puis il m'a serré
la main qu'il a gardée si longtemps que je ne savais trop comment la la main qu'il a gardée si longtemps que je ne savais trop comment la
retirer. Il a consulté un dossier et m'a dit : « Mme Meursault est en- retirer. Il a consulté un dossier et m'a dit : « Mme Meursault est en-
trée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien. » J'ai cru qu'il me trée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien. » J'ai cru qu'il me
reprochait quelque chose et j'ai commencé à lui expliquer. Mais il m'a reprochait quelque chose et j'ai commencé à lui expliquer. Mais il m'a
interrompu : « Vous n'avez pas à vous justifier, mon cher enfant. J'ai interrompu : « Vous n'avez pas à vous justifier, mon cher enfant. J'ai
lu le dossier de votre mère. Vous ne pouviez subvenir à ses besoins. Il lu le dossier de votre mère. Vous ne pouviez subvenir à ses besoins. Il
lui fallait une garde. Vos salaires sont modestes. Et tout compte fait, lui fallait une garde. Vos salaires sont modestes. Et tout compte fait,
elle était plus heureuse ici. » J'ai dit : « Oui, monsieur le Directeur. » elle était plus heureuse ici. » J'ai dit : « Oui, monsieur le Directeur. »
Il a ajouté : « Vous savez, elle avait [12] des amis, des gens de son âge. Il a ajouté : « Vous savez, elle avait [12] des amis, des gens de son âge.
Elle pouvait partager avec eux des intérêts qui sont d'un autre temps. Elle pouvait partager avec eux des intérêts qui sont d'un autre temps.
Vous êtes jeune et elle devait s'ennuyer avec vous. »</p> Vous êtes jeune et elle devait s'ennuyer avec vous. »</p>
<h2 id=troisieme_partie><strong>Troisième partie</strong></h2> <h2 id=troisieme_partie><strong>Troisième partie</strong></h2>
<p>C'était vrai. Quand elle était à la maison, maman passait son temps <p>C'était vrai. Quand elle était à la maison, maman passait son temps
à me suivre des yeux en silence. Dans les premiers jours où elle était à à me suivre des yeux en silence. Dans les premiers jours où elle était à
l'asile, elle pleurait souvent. Mais c'était à cause de l'habitude. Au l'asile, elle pleurait souvent. Mais c'était à cause de l'habitude. Au
bout de quelques mois, elle aurait pleuré si on l'avait retirée de l'asile. bout de quelques mois, elle aurait pleuré si on l'avait retirée de l'asile.
Toujours à cause de l'habitude. C'est un peu pour cela que dans la der- Toujours à cause de l'habitude. C'est un peu pour cela que dans la dernière année je n'y suis presque plus allé.</p>
nière année je n'y suis presque plus allé.</p>
<p>Et aussi parce que cela meprenait mon dimanche - sans compter l'effort pour aller à l'autobus, <p>Et aussi parce que cela meprenait mon dimanche - sans compter l'effort pour aller à l'autobus,
prendre des tickets et faire deux heures de route.</br > prendre des tickets et faire deux heures de route.</br >
Le directeur m'a encore parlé. Mais je ne l'écoutais presque plus. Le directeur m'a encore parlé. Mais je ne l'écoutais presque plus.
Puis il m'a dit : « Je suppose que vous voulez voir votre mère. » Je me Puis il m'a dit : « Je suppose que vous voulez voir votre mère. » Je me
suis levé sans rien dire et il m'a précédé vers la porte. Dans l'escalier, suis levé sans rien dire et il m'a précédé vers la porte. Dans l'escalier,
il m'a expliqué : « Nous l'avons transportée dans notre petite morgue. il m'a expliqué : « Nous l'avons transportée dans notre petite morgue.
</p>Pour ne pas impressionner les autres. Chaque fois qu'un pensionnaire </p>Pour ne pas impressionner les autres. Chaque fois qu'un pensionnaire
meurt, les autres sont nerveux pendant deux ou trois jours. Et ça rend meurt, les autres sont nerveux pendant deux ou trois jours. Et ça rend
le service difficile. » Nous avons traversé [13] une cour où il y avait le service difficile. » Nous avons traversé [13] une cour où il y avait
beaucoup de vieillards, bavardant par petits groupes. Ils se taisaient beaucoup de vieillards, bavardant par petits groupes. Ils se taisaient
quand nous passions. Et derrière nous, les conversations reprenaient. quand nous passions. Et derrière nous, les conversations reprenaient.
On aurait dit d'un jacassement assourdi de perruches. À la porte d'un On aurait dit d'un jacassement assourdi de perruches. À la porte d'un
petit bâtiment, le directeur m'a quitté : « Je vous laisse, monsieur petit bâtiment, le directeur m'a quitté : « Je vous laisse, monsieur
Meursault. Je suis à votre disposition dans mon bureau. En principe, Meursault. Je suis à votre disposition dans mon bureau. En principe,
l'enterrement est fixé à dix heures du matin. Nous avons pensé que l'enterrement est fixé à dix heures du matin. Nous avons pensé que
vous pourrez ainsi veiller la disparue. Un dernier mot : votre mère a, vous pourrez ainsi veiller la disparue. Un dernier mot : votre mère a,
paraît-il, exprimé souvent à ses compagnons le désir d'être enterrée paraît-il, exprimé souvent à ses compagnons le désir d'être enterrée
religieusement. J'ai pris sur moi, de faire le nécessaire. Mais je voulais religieusement. J'ai pris sur moi, de faire le nécessaire. Mais je voulais
vous en informer. » Je l'ai remercié. Maman, sans être athée, n'avait vous en informer. » Je l'ai remercié. Maman, sans être athée, n'avait
jamais pensé de son vivant à la religion.<p> jamais pensé de son vivant à la religion.<p>